Dans le nid du corbeau [LIBRE.]

Une nuit portant un manteau sombre, un croissant de lune, comme un sourire, des nuages comme des voiles, des étoiles comme des petites étincelles, et surtout, la paix. La sainte paix. Ironique, d'ailleurs, puisque nous étions dans une église. Une vieille église, perdue dans le milieu d'une forêt anglaise. C'est qu'elle devait être abandonnée depuis longtemps. La pierre avait été cassée à plusieurs endroits, forcées par des racines désireuses d'étendre leur territoire. D'ailleurs, cette église était assez particulière. Elle était comme camouflée dans la verdure, tellement elle était vieille. À l'intérieur, tout était majestueux, tout imposait au respect et au silence. À l'inquiétude aussi. À la lueur de quelques bougies et de vieux cierges allumés, se dressaient d'énormes statues aux têtes coupées, aux membres écartelés. Pauvres statues, elles avaient dû avoir droit à un beau massacre, bien tailladées ainsi comme un cadavre animalier sous le couteau d'un boucher expérimenté. Et, comble de leur malheur, elles accumulaient poussière et toiles d'araignées, sans compter les nombreuses chouettes et chauves-souris qui aimaient bien y nicher. Bref, cette église était une vraie ménagerie. Mais pas seulement cela. Vous vous demandez sûrement pourquoi des cierges se trouvent dans une aussi vieille église et, d'autant plus, pourquoi ils étaient allumés. Et bien, portez attention aux détails suivants.

Dans la poussière se trouvaient quelques traces de pas, et quelques plumes noires entachaient le sol poussiéreux. Des gouttes écarlates aussi, du sang, à première vue. Et si vous suiviez ces pas, ils vous mèneraient directement à une grande trappe, ouverte et dévoilant un trou profond et complètement plongé dans la noirceur. Entrons maintenant dans cette cavité creusée dans le sol. Un petit pallier, des escaliers anciens et très étroit, bordés eux aussi de cierges fraichement allumés, et toujours ces plumes, ces pas et ces gouttes de sang. Puis vous débouchez dans une immense pièce, parsemée de pierres tombales anciennes. Poursuivez et vous vous retrouverez dans une autre salle adjacente, celle-ci agrémentée de pierres tombales d'un noir d'encre, les noms des victimes gravés en lettres soigneusement formées enflammées d'un violet soutenu. Puis, dans le coin de cette pièce, une silhouette ailée, debout devant une grande table de pierre. Sous un bon angle, grâces aux flammes des cierges, on pouvait reconnaître le visage autrefois si tendre du célèbre Kael Aiyoku, l'ange qui avait probablement gagner la palme de celui ayant causer le plus de problèmes au monde utopique qu'était le Paradis, et de tous ses habitants.

Ses yeux améthystes fixaient le visage d'un petit garçon, à peine âgé de 8 ans. Les dents et la mâchoire serrées, son sourire inexistant, il appuya ensuite son menton dans la paume de sa main, le coude appuyé sur la table. Soupirant profondément, il ferma les yeux et passa son autre main dans ses cheveux, puis, ferma doucement les yeux paralysés par la peur de l'enfant, ainsi que sa bouche pendante. Kael avait beau être doté d'un tempérament exécrable, arrogant et moqueur, il n'appréciait pas que l'on tue de pauvres enfants. Certes, le monde était en guerre, les anges et les démons se battaient, mais devaient-ils vraiment s'en prendre à des êtres aussi innocents et purs que les enfants? Les faire mourir en ayant comme dernières pensées la survie, comme dernières images la dévastation et comme derniers sentiments la peur? Tout cela était impardonnable et cruel. Sûrement son côté ange qui refaisait surface encore une fois. Après tout, tendre un jour, tendre toujours ... enfin, avec les enfants.

"Mon pauvre Raphy ... tu sais bien qu'à cause de toi, je m'attendris, hum? Repose-toi bien."

Sur ces paroles, il leva le bras et une sorte d'ombre noire se forma sous le garçcon et le souleva dans les airs, le portant à côté d'une pierre tombale où le nom "Anna Sylvestre" était inscrit et le posa par terre. L'ange déchu ouvrit alors ses deux mains, les paumes face au sol et les abaissa doucement, le corps du garçon suivant le mouvement, s'enfonçant dans la terre de plus en plus que les mains de l'ange s'approchait de la table de pierre. Puis finalement, le cadavre fut entièrement enseveli. Kael marcha vers l'emplacement du nouveau havre de paix du garçon, s'agenouilla et leva la main droite. Une petite tombe se souleva de terre et il posa l'index dessus, inscrivant en une belle écriture "Raphael Lionels". Une fois cela terminé, il se releva et observa le nom s'enflammer de la caractéristique couleur violette. Soupirant une nouvelle fois, il entreprit de remonter à l'étage, les cierges se refermant à son passage quand il gravit les escaliers étroit. Arrivé en-dessous de l'espace de la trappe, il se souleva d'un battement d'ailes puissant, se posant gracieusement au sol sans un bruit, faisant voleter la poussière autour de lui. Il ferma la trappe, regarda autour de lui et soupira une nouvelle fois. Il n'avait aucun respect, ni pour les démons, ni pour les anges. Tchh, pathétiques qu'ils étaient, à vouloir s'entretuer ainsi, tuant des innocents dans leurs lancées. Voilà pourquoi Kael n'avait pas vraiment de regrets quand il devait enlever la vie à un démon ou à un ange. Dans un camp ou dans l'autre, il avait été surnommé "L'Ange de la Mort", car il recueillait chaque innocent pour venir lui offrir la sainte paix. Sortir de ce monde pour aller à un endroit où on ne les dérangerait plus avec toutes ces histoires d'anges et démons.

Il n'arrivait pas à les supporter, et on pouvait considérer que Kael était en fait un misanthrope. Il n'était donc pas surprenant de constater qu'il avait décider d'élire domicile dans une église complètement à l'abandon, perdue dans une forêt immense et dense, dans le nord de l'Angleterre. Jamais personne ne venait le déranger ... Or, c'est ce qu'il croyait. Entendant un bruit à l'extérieur de l'église, à environ 200 mètres de là, il se raidit et fronça les sourcils, s'envolant vers le clocher de sa demeure, faisant sursauter des chouettes au passage, qui fuirent en hululèrent, apparemment outrées et en rage. Accroupi sous la grande cloche, les yeux étincelants et vifs de Kael surveillaient les horizons. Qui avait osé venir jusqu'à lui?

Fatiguée, fourbue et totalement crevée, Lyvia marchait tant bien que mal droit devant elle, sans se soucier d'où elle allait ni ou elle atterrirait. Elle s'en fichait royalement au fond. Tout se qui l'importait à cet instant, c'était de trouver un endroit calme où elle pourrait se soigner un peu, même sommairement, ça devrait faire l'affaire. Ne tenant, pour une fois, pas ses pistolets en mains, la jeune hybride avait poser à la-vas-vite une boule de tissus au niveau de sa hanche gauche, prenant soin de bien la serrer contre sa plaie pour faire réduire l'affut sanguin. Marchant du mieux qu'elle pouvait à travers une forêt sombre et inconnue, la jeune fille grimaçait à chaque pas qu'elle faisait. Il fallait dire qu'ils ne l'avaient pas loupé ces saletés... Mais une question la taraudait toujours: comment l'avaient-ils trouvée? Elle avait pourtant veillée à ne rien laisser derrière elle, ni odeur, ni bout de tissu, ni sang, rien... Pourtant, il lui semblait qu'ils l'avaient attendue avant d'attaquer... Un piège? Probablement...

Vraiment, elle faisait pitié à voir... Sa cape d'habitude marron avait virée au rouge sombre, voir au noir sous l'effet du sang déversée, ses cheveux habituellement blancs étaient totalement emmêlés et tintés de rouge sang. Quand à son apparence générale, elle tenait plus à celle d'une gamine des rues sale et désordonnée qu'à la chasseuse de démons qu'elle était. Mais bon, autant faire avec, après tout... Marchant depuis un certain temps dans la forêt qui s'épaississait de plus en plus, la jeune fille entendit un craquement sinistre dans son dos. Ne réfléchissant pas, elle sortit un de ces revolver, se retourna rapidement et tira sur la forme vaguement humaine.
Un cri perçant retentit dans la nuit.
Ca lui confirma que c'était bien un démon qu'elle venait de toucher... Portant sa main à son cou, elle sortit de sous ses vêtements un collier orné d'une pierre strillée de trois couleurs: blanc, noir et rouge. Ce collier lui avait était offert par un ange déchu, Azäel, qui était devenue son tuteur, à elle et feu son frère. Ce collier avait la particularité de reconnaitre et de savoir s'il y avait dans les parages un ange (blanc), un démon (noir) ou encore un ange déchu ou un hybride (rouge). En fonction de la couleur que prenait le pendentif, Lybia savait se qu'il se trouvait plus ou moins proche d'elle. Fixant durant quelque instant le collier devenu terne, elle en déduisit qu'il n'y avait plus de danger l'avoisinant, tant mieux. Se remettant à marcher d'un pas ésitant, rengeant son flingue dans l'endroit approprié, elle marcha jusqu'à voir une église abandonnée dépassée du feuillage des arbres.

Le collier d'Azäel se mit à briller légèrement d'une couleur rouge lorsque Lyvia approcha de l'église abandonnée. S'arrêtant durant quelques instant, à bout de souffle, l'humaine porta sa main à son pendentif, le regardant durant quelques instants d'un air neutre. Lorsque ce collier se "réveillait", rougeoyant de cette teinte rouge, ça ne voulait dire qu'une chose: un ange déchu ou un hybride devait être dans les parages... Elle était un peu frustrée car elle aurait aimée être seule, mais bon, autant faire avec, et puis, elle espérait que cet inconnu la laisserait tranquille; elle n'avait aucune envie de compagnie. Voyant, sur le seuil de l'église, des plumes noires, elle craint le pire. Elle ne voulait pas de compagnie, surtout pas maintenant et surtout pas d'un ange déchu. Les rares fois où elle en voyait, elle passait son chemin, comme si de rien n'était, le cœur serré, pensant à Azäel. Elle ne pouvait se défaire de ces souvenirs qu'elle avait de cet ange hors du commun, qu'elle considérait plus comme un second frère que comme un père ou un tuteur. Se souvenant bien malgré elle des bons moments passés avec son jumeau et son "tuteur", une petite larme discrète roula le long de sa joues blanches, se perdant dans ses cheveux de nacre.
Poussant les portes de l'église, ballayant par la même occasion ses souvenir, Lyvia s'affala par terre, le souffle haletant à cause de se qu'elle avait dut faire pour arriver ici. Retirant la boulle de tissu qu'elle avait mit pour cacher et pensser la plaie, elle e rendit compte que celle-ci s'était presque refermée, du moins en partie, puisqu'elle continuait à saigner. Un pouvoir dût à son statut d'hybride? Peut-être bien...
Alors qu'elle allait commencer à désinfecté la plaie, la jeune fille entendit un bruissement d'ailes, venant du côté de la porte de l'église. Regardant son collier, celui-ci était devenue rouge. Soupirant, elle fixa la porte de ses yeux aux couleurs sanguinolantes, attendant de voir quel sorte de personne allait venir.

Ce qu’il attendait pointa bientôt à l’horizon. Une silhouette qui courait vers son église de façon désespérée. Voilà qui était désagréable, très désagréable. Kael espérait toujours que cette personne passe son chemin et ne découvre pas l’existence de sa demeure. Après tout, il avait bien cru que le tout était bien dissimulé et que personne ne viendrait l’embêter ici. Quand il entendit les grandes portes en chêne de sa belle et grande maison de pierre et de vitraux grincer et un bruit sourd qui signifiait que cet inconnu s’était affalé sur le sol, l’ange noir grinça des dents. Étendant ses ailes de chaque côté, s’étirant de façon nonchalante, il prit son envol, un vol silencieux digne de celui des chouettes qui partageaient sa demeure. Il longea les murs, créant ainsi de l’ombre dans laquelle pouvoir se dissimuler, ses yeux toujours rivés sur la silhouette blottit misérablement sur le sol. L’odeur du sang lui emplit les narines et il serra la mâchoire. Tout cela n’augurait rien de bon. Il se posa délicatement sur le sol, près de la porte, ses pieds ne faisant aucun bruit quand ils touchèrent le sol. Étendant le bras et portant sa main droite sur la porte, il la poussa des bouts des doigts, jusqu’à ce qu’elle se referme en un grand grincement et claquement sonore. Il s’avança alors dans la lumière des cierges, tournant le visage de cet intrus à la lumière de son pied. Un sourire moqueur se dessina alors sur ses lèvres, fronçant un peu les sourcils.

« Tiens donc, une jolie jeune femme! Avoir su que j’aurais droit à une aussi charmante compagnie, je m’aurais arrangé pour pouvoir vous offrir à diner. À la chandelle, bien évidemment! »

Son ton se voulait peu accueillant et froid, et même faussement charmeur. Ce qu’il disait était bien ironique et sarcastique. Ce qu’il ressentait était bien le contraire de ce qu’il disait. Il se serait bien passé de cette visite surprise. Son regard trahissait bien évidemment cet agacement quand il détailla son invitée. Une aura humaine, yeux rouges peu communs, cheveux blancs comme la neige … et une sorte de force qu’aucun humain normal ne posséderait. Cela ne faisait aucun doute, il avait assez d’expérience pour savoir qu’il avait affaire avec une jeune hybride. Levant la main au niveau de son visage peu chaleureux, Kael forma avec sa main une sorte de griffe. La même forme se dessina tout près de lui, prenant vie dans l’ombre et rampant sur le sol poussiéreux de l’église jusqu’aux hanches de l’indésirable. Une autre main d’ombre sortit de l’autre côté de l’ange déchu, venant se poster sur l’autre hanche. Les deux ombres se toisèrent puis s’emmêlèrent autour de la jeune femme, immobilisant ses jambes, ses bras et ses mains, la ligotant comme une grande camisole de force en obéissant aux mouvements gracieux de Kael, qui observait toujours sa prisonnière de ses prunelles améthyste, d’un air contrarié, mauvais et peu aimable. Jetant ses bras vers l’arrière, puis les ramenant d’un coup sec vers l’avant, les ombres s’effilèrent jusqu’à ce que l’humaine soit levée de terre et transportée jusqu’à l’autel, au devant de l’église, où Kael la posa doucement. Après tout, il ne s’agissait pas d’un démon ou d’un ange. Elle était humaine, et l’ange déchu s’était juré de ne pas faire mal aux humains … sauf exceptions. Exceptions qui n’étaient pas rares. D’un battement d’aile il rejoignit l’autel et, s’accoudant sur la pierre, il ancra ses yeux dans ceux furibonds de sa détenue, un sourire narquois et toujours aussi moqueur pendu aux lèvres.

« Alors, ma chère, on chasse en forêt, hum? On se blesse et on se perd, n’est-ce pas? C’est bien charmant! »

Ricanant, il détailla l’hybride rapidement. Il vit, bien en évidence, sa blessure et leva les yeux au ciel. Elle ne devait pas être innocente comme le jeune garçon qu’il venait d’enterrer, celle-là. Elle portait deux pistolets aussi. Chasseuse de démons? Qui sait. Peut-être prenait-elle part à cette guerre des plus stupides seulement pour le plaisir? Dieu seule le sait. Dieu, cette gentille connasse qui aimaient bien faire des abus d’autorité. Reprenant son sérieux, il fit venir à lui le petit banc placé devant la vieille orgue et s’assit dessus, posant son menton dans ses paumes.

« Vous aimez prendre part à ces barbaries, n’est-ce pas? Je le sens bien. Mais vous devez être une débutante. Une débutante qui vient me déranger. »

Poussant un petit grognement sourd, il semblait réellement en colère. Il l’était, bien entendu, car il commençait un peu à se douter que des troupes de démons rôdaient certainement dans les parages. Il espérait qu’elle était consciente que l’odeur de son sang, extrêmement forte, allait certainement les attirer ici, dans l’église. Dans SON église, dans SA demeure, dans SON refuge. Refuge où les gens lui foutaient la paix, refuge où personne ne venait le retrouver et où il se sentait bien, bien dans sa solitude. Il avait bien chassé des humains d’ici, et pas des plus douces manières. Quant aux anges et démons qui avaient osé demander l’asile ou encore pensaient avoir trouvé refuge dans une vieille église abandonnée, il les tuait sans aucun sentiment, de manière complètement nonchalante et automatique, sans jamais se poser de questions. Car Kael était comme ça ; un ange déchu bien compliqué. Bon ou gentil? Personne ne le savait.

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